L'Invasion des profanateurs by Jack Finney

Auteur:Jack Finney [Finney, Jack]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantastique
Éditeur: Denoël
Publié: 2014-06-03T04:00:00+00:00

CHAPITRE XI

Nous étions des êtres pensants, mais nous nous mîmes à agir selon des impulsions sauvages, irraisonnées. Nous réveillâmes les deux femmes en sursaut ; les yeux bouffis clignotant dans la lumière trop vive, l’esprit encore embrumé par les somnifères, elles nous questionnèrent, mais nos visages blêmes, notre absence de réponses, leur communiquèrent aussitôt notre propre angoisse. Nous nous dispersâmes à travers la maison, récupérant nos vêtements ; Jack glissa un couteau de boucher dans sa ceinture, tandis que je rassemblais tout l’argent que je pus trouver, et nous rejoignîmes Theodora dans la cuisine, où elle achevait d’emballer des boîtes de conserve dans un carton, sans même savoir ce qu’elle faisait.

Nous nous heurtions, nous bousculions dans les couloirs, dans l’escalier en sortant d’une pièce ou d’une autre ; nous devions ressembler aux acteurs d’un film muet burlesque, mais aucun de nous n’avait envie de rire. Nous voulions fuir – fuir cette maison, et fuir cette ville, aussi vite que nos jambes pourraient nous obéir. Nous éprouvions un accablant sentiment d’impuissance, à ne savoir que faire, comment combattre… et contre quoi ? Quelque chose d’inconnu, et de terriblement réel, nous menaçait, supérieur à notre entendement ou à nos capacités. Nous fuyions.

Theodora avait gardé ses pantoufles. Nous nous entassâmes dans la voiture de Jack, garée dans la rue obscure et silencieuse, juste en dehors de la zone lumineuse du réverbère, avec nos dérisoires brassées de vêtements jetées sur la banquette arrière. Le démarreur ronfla, le moteur rugit, et dans un violent crissement de pneus, la voiture sortit du virage, et nous ne pensâmes plus à rien, sinon à rouler, rouler encore, toujours plus vite jusqu’à ce que nous ayons atteint la 101, laissant Mill Valley à dix-huit kilomètres derrière nous.

Une fois sur l’autoroute presque déserte, je commençai, me sembla-t-il, à éprouver le retour progressif de la pensée cohérente. Le succès de notre fuite, l’accumulation progressive de la distance composèrent un tranquillisant naturel, un antidote à la peur ; je me tournai vers Becky, qui occupait la place derrière moi, souriant, la bouche entrouverte pour lui parler. Puis, à la lueur des phares d’une autre voiture, je vis qu’elle dormait, son visage blafard ruisselant de sueur, et de nouveau la terreur s’empara de moi, bien pire qu’avant, éparpillant mon cerveau dans une explosion assourdissante.

Je secouai l’épaule de Jack, lui hurlant de s’arrêter. La voiture cahota un moment sur le bas-côté défoncé. Jack serra le frein à main, puis, se penchant au-dessus de Theodora, il saisit la poignée du vide-poches, qu’il ouvrit d’un mouvement rageur ; il fourragea à l’intérieur, puis bondit hors de la voiture, le visage égaré. J’arrachai les clés du tableau de bord, et le suivis vers l’arrière de la voiture, mais Jack continua de courir sur l’accotement meuble. J’ouvris la bouche pour l’appeler, mais quand je le vis s’agenouiller sur le sol, vingt mètres plus loin, je compris ce qu’il faisait.

Autrefois, Jack s’était fait emboutir sa voiture alors qu’il était en train de remplacer une roue crevée, et depuis, c’était devenu une seconde nature chez lui de disposer un feu de position.

Télécharger

Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.